A l’occasion de cette semaine européenne de prévention et d’information sur l’endométriose, j’ai voulu apporter mon témoignage sur cette maladie. Je vous livre aujourd’hui une partie de ma vie très intime et très personnelle. Je la livre car j’aurais aimé à l’époque pouvoir lire ce genre de témoignage qui m’aurait aidé à me sentir moins seule et impuissante face à cette maladie mesquine et dévastatrice.

Tout d’abord pour comprendre ce qu’est l’endométriose, je vous invite à lire cet excellent article paru dans le Figaro cette semaine.

Mon enfer d’être une femme !

J’ai commencé à avoir « mal au ventre » à l’âge de 16 ans. Une douleur aigue ressemblant à un coup de poignard sur le côté droit de mon bas ventre. Je me rappelle d’un jour, où ma mère affolée m’avait amenée aux urgences croyant à une appendicite. Après un toucher rectal en bonne et due forme qui écarte cette hypothèse, on me renvoie à la maison avec du doliprane. Les douleurs reviennent de temps en temps pendant plusieurs années. Elles durent quelques jours pendant ou en dehors des règles et disparaissent comme elles apparaissent.

En 1999, J’ai eu la chance de tomber enceinte à 21 ans avec cette envie viscérale de devenir maman. A 5 semaines de grossesse, les fameuses douleurs réapparurent mais cette fois-ci de manière continue. On crut à une grossesse extra utérine, à un problème de cruralgie, à un décollement du placenta. Mais rien de tout ça ne fut confirmé. J’ai passé 7 mois allongée sur le côté droit, la seule position qui me soulageait mais parfois la douleur était assez supportable pour que je puisse sortir de chez moi. J’ai accouché par césarienne d’un magnifique garçon de 3kg avec 1 mois d’avance.

Les douleurs ont disparu après l’accouchement mais sont revenues de façon périodique, durant seulement quelques jours comme avant ma grossesse. J’ai cependant commencé à avoir des dyspareunies (douleurs pendant les rapports) qui se sont amplifiées avec les années. J’ai eu « le grand bonheur » 2 ans après la naissance de mon fils de subir une intervention chirurgicale des vertèbres lombaires, une arthrodèse (on visse une plaque sur deux vertèbres pour les fixer) suite à une malformation congénitale. Durant plusieurs années, les fameux coups de poignard continuaient de me prendre par surprise de temps en temps et puis s’intensifiaient et duraient de plus en plus longtemps. J’ai collectionné les échographies pelviennes et IRM pendant des années sans que personne ne comprenne d’où provenaient ces douleurs.

Et puis en janvier 2009, après l’arrêt de ma pilule contraceptive, Une douleur intense oblige mon hospitalisation. L’échographie ne révèle rien une fois de plus hormis une petite inflammation. Aux urgences, on me demande si j’ai trompé mon mari car le médecin pense à une salpingite (maladie sexuellement transmissible). Je me sens offensée et humiliée. Je me demande alors si mon mari a été infidèle. Un cauchemar ! On pratique une coelioscopie exploratrice qui écarte cette suspicion de salpingite (ouf !). On découvre alors d’énormes varices pelviennes et de l’endométriose. On enlève d’ailleurs une partie de la trompe pour « nettoyer ». Les douleurs disparaissent totalement pendant 2 ans !

En février 2011, je décide à nouveau d’arrêter la pilule, non pas pour essayer d’avoir un autre enfant, (l’état de mon dos et la dernière intervention sur mon appareil reproducteur n’étaient pas très favorables à une nouvelle grossesse), mais parce que je n’avais juste plus envie d’ingurgiter de médicaments. La douleur des dernières règles avait été insupportable et à leur arrêt, j’ai continué à souffrir atrocement. Imaginez qu’on vous enfonce un poignard dans le ventre à un endroit d’ailleurs assez précis sur le côté droit de l’utérus, toute la journée, toute la nuit, que vous ne pouvez pas rester ni debout ni assis. Aucun anti-douleur ne soulage même pas la morphine en intraveineuse de l’hôpital où je suis admise en urgence (encore !). On pratique une nouvelle coelioscopie. On m’enlève l’appendice faute de trouver quoique ce soit (pourtant elle est saine, mais on l’enlève quand même, j’avoue n’avoir pas cherché à comprendre !). Les douleurs diminuent et reprennent de plus belle quelques jours plus tard. Nouvelle admission aux urgences, je passe la journée les jambes écartées à accueillir la sonde vaginale de l’échographe de chacun des radiologues de la clinique. Chacun y va de sa petite théorie mais rien, aucun diagnostic. Personne ne voit rien ! On m’envoie passer une IRM qui révèle « RIEN » ! On me renvoie à la maison avec des sacs entiers d’anti-douleurs en tout genre. Pendant ce temps, je me renseigne, je passe mon temps sur mon ordinateur ou mon téléphone à chercher la cause de mes malheurs. Je me rappelle de mon endométriose et de mes varices pelviennes. Et je suis persuadée que les douleurs proviennent de ces maladies !

J’ai la chance d’avoir un médecin traitant génial ! Elle cherche et s’investit vraiment pour admettre le diagnostic de ses 2 pathologies. Elle décide de me mettre sous Décapeptyl, traitement préconisé pour lutter contre l’endométriose. Une petite piqure de ce produit et cela vous transforme en femme ménopausée du jour au lendemain ! Les premiers jours sont ponctués par les bouffées de chaleur et les douleurs lancinantes dans le bas ventre. Au bout d’une semaine, la douleur n’a jamais été aussi intense. Je me souviendrai toute ma vie de la nuit du dimanche 29 mars 2011, la nuit où je n’ai pas fermé l’œil de la nuit, où je me suis tordue de douleur, où j’ai cru que je crèverais sur place. Je n’ai jamais autant souffert que cette nuit-là et pourtant j’ai subi de nombreuses opérations et problèmes en tout genre durant 38 ans ! J’étais seule dans la chambre d’ami car je ne pouvais plus monter les escaliers pour dormir dans notre chambre et je ne voulais surtout pas imposer mes gémissements à mon mari. J’ai pleuré cette nuit-là, en me demandant qu’est-ce qu’il m’arrivait. C’était comme si une épée me traversait de part en part car bien évidemment mon dos me faisait souffrir également. J’étais une épave droguée à la morphine qui se demandait quand le cauchemar cesserait.

Le lendemain, on m’admet une nouvelle fois à la clinique. Le chirurgien se demande si les douleurs ne sont pas liées au matériel présent dans mon dos, il émet l’éventualité d’une intervention pour le retirer. Je panique ! Comment une arthrodèse vieille de 10 ans pourrait causer de telles douleurs. J’étais restée hospitalisée près de 4 mois suite à cette intervention, je ne voulais pas qu’on me rouvre le dos, je ne voulais pas réapprendre à marcher encore une fois ! Heureusement, le chirurgien orthopédique met fin à cette hypothèse saugrenue et sans fondement.

Pendant plusieurs semaines, j’explique à mon chirurgien que je suis certaine que le problème vient de l’utérus. La douleur est tellement localisée à cet endroit-là. Je le supplie de me l’enlever en étant certaine que c’est la seule solution. J’arrive enfin à le convaincre car il a peur que je supporte mal psychologiquement le retrait de mon utérus. Je lui explique que cela fait bien longtemps que j’avais fait le deuil d’une nouvelle grossesse et que nous pensions à adopter depuis des années. On programme enfin une date quelques jours plus tard. Je suis toujours hospitalisée, il n’y avait donc plus qu’à attendre. Puis le chirurgien change d’avis et ne veut pas opérer une jeune femme de 33 ans sans être totalement convaincu de la réussite de l’intervention. Surtout qu’il est persuadé qu’il est impossible que de l’endométriose ni même des varices pelviennes puissent provoquer de telles douleurs. Il veut que je consulte le Pr Hocke, un spécialiste au CHU de Bordeaux. Je réussis à avoir un rendez-vous 2 mois plus tard ! Durant deux mois, je n’ai pas dormi, je ne me suis pas assise, je mangeais à peine, allongée sur mon canapé où je passais mes journées entières en position fœtale sur le côté droit, seule position supportable. J’avalais près d’une quarantaine de cachets, pillules, sachets par jour (Ixprim, Dafalgan codéiné, Acupan, Voltarène, Myolastan, Laroxyl, Tramadol, Rivotril, Oxynorm, Colopeg, Normacol : des anti douleurs qui provoquent de la constipation, donc des médicaments contre la constipation, des anxiolytiques car oui on est un peu déprimé quand même ! Une vraie pharmacie ambulante !). Je me faisais moi-même mes deux piqures quotidiennes de Lovenox, en prévention d’une éventuelle phlébite ; mes jambes étaient remplies de bleus. Mes seules sorties se résumaient aux visites chez mon médecin traitant et thérapeutes. Le voyage en voiture était un calvaire, chaque dos d’âne, chaque virage, chaque trou dans la chaussée accentuaient la douleur. Je me déplaçais allongée sur le siège passager en ayant pris double dose de médicaments pour supporter le trajet. J’ai consulté durant plusieurs semaines des ostéopathes, étiopathes, kinés, kinésiologues, guérisseurs, rebouteux, médecins ayurvédiques, acupuncteurs, psychothérapeutes… mais rien ne m’a soulagé.

Le 25 mai 2011, premier rendez-vous avec le professeur. C’est la première fois que je sens qu’on prend mes douleurs au sérieux. Jusqu’à présent, j’avais l’impression hormis mon médecin traitant, que tous les autres médecins, chirurgiens, radiologues me prenaient pour une folle dont la douleur était imaginaire ! Le Pr Hocke après m’avoir examinée, me dirige vers le Dr Le Bras, radiologue spécialiste dans le syndrome de varices pelviennes et dans les problèmes d’endométriose. Il pratique une IRM et miracle il voie les varices énormes, il voie l’adénomyose (endométriose dans l’utérus), il voie tout ce que n’avait pas vu la dizaine de radiologues que j’avais consulté ! Il m’explique, me rassure, me fait part de témoignages de patientes souffrant des mêmes symptômes ! Maintenant reste à savoir si la douleur vient des varices ou de l’endométriose ou même de l’association des deux ! Il décide de commencer par l’intervention la moins invasive en pratiquant une embolisation des varices pelviennes. J’avoue ressentir une amélioration et pour la première fois depuis des mois, j’arrive à conduire ma voiture et même prendre l’avion pour continuer les démarches d’adoption à l’Ile Maurice ! Cependant, les douleurs sont toujours là et s’accentuent de semaine en semaine. Le professeur décide alors de pratiquer l’hystérectomie.

Nous sommes le 24 novembre 2011 ! Je suis admise au service de gynécologie et de maternité aux Tripodes du CHU de Bordeaux. J’entends les bébés pleurer. Le matin de l’intervention, je traverse la passerelle qui nous relie au bâtiment des blocs opératoires. Je traverse ce couloir sur mon lit en me disant que ce n’est pas grave de ne plus avoir d’utérus et je ne ressens aucune peine. J’ai eu la chance de pouvoir donner la vie et nous avions entamer les démarches pour adopter. Mais quel choc de devoir traverser ce corridor qui affichait une exposition de photos de bébés et de femmes enceintes ! Quel manque de tact, quel manque de psychologie, quel manque d’empathie ! Je pensais à la détresse que devaient ressentir ces femmes qui traversaient comme moi ce couloir de verre et qui, elles n’avaient pas pu connaître la joie d’être enceinte. D’un côté, un chirurgien me laissait souffrir car il avait peur de ma réaction en m’enlevant une partie de ma féminité et de l’autre on m’opérait au milieu des bébés et des femmes enceintes ! De retour de mon intervention, dans ma chambre d’hôpital où mon mari m’attendait, je ressuscite ! La douleur a disparu, cette douleur qui ne m’avait pas quitté une seule seconde depuis le 1er février, 9 mois auparavant ! Les infirmières n’en reviennent pas. Je suis en pleine forme et me lève même de mon lit en douce quelques heures seulement après l’intervention ! Pour moi c’est le miracle. Effectivement, on avait retrouvé de l’endométriose dans mon utérus. Quelques jours plus tard, je rentre à Biarritz en voiture en ayant pris seulement un doliprane ! Je ne ressens aucun coup de poignard, aucune pique d’aiguille, rien seulement les points de la coelioscopie qui tiraillent un peu !

Toutes cette souffrance pendant des mois ! Tous ces mois où je n’ai pas vécu, tous ces mois où j’ai abandonné mon rôle de mère, d’épouse ! Tous ces mois où j’ai mis mon entreprise en péril car j’étais incapable de travailler ! Et toutes ces fois où j’ai supplié qu’on m’enlève l’utérus ! Pourquoi ne pas avoir pris au sérieux mes douleurs, mon ressenti, ma conviction. Pourquoi l’endométriose n’est pas prise au sérieux au sein même du milieu médical ! Combien de femmes souffrent au quotidien de cette maladie qui s’insinue dans notre vie jusqu’à la rendre insupportable ?

J’ai eu beaucoup de chance d’être épaulée, soutenue, soignée, aimée par mon mari et mon fils qui ont aussi traversé l’enfer de cette maladie avec moi. J’ai eu de la chance d’être écoutée par mon médecin traitant qui n’a rien lâché. J’ai eu de la chance d’avoir été prise en charge par d’excellents spécialistes. L’année suivante, nous avons eu le bonheur de devenir parent d’une petite fille venue de l’Ile Maurice !

Depuis près de 5 ans, j’espère tous les jours que la douleur ne reviendra pas car même si je n’ai plus d’utérus, j’ai quand même conservé mes ovaires. Cela signifie que l’endométriose peut revenir à un endroit différent. Je sais désormais que plusieurs thérapies existent pour aider à supporter cette maladie. Je fais très attention à mon hygiène de vie. Par exemple, une bonne nutrition permet d’atténuer les douleurs et les symptômes.

Un conseil : il faut écouter son corps, écouter sa douleur, demander l’avis de plusieurs médecins, trouver les spécialistes ! Vous n’êtes pas seules !

Je finirai par un peu d’humour et de légèreté. J’ai le bonheur désormais de ne plus avoir de règles et ça c’est juste génial ! Mais y a qu’une femme pour comprendre ça !

1 réflexion au sujet de « Endométriose : mon enfer d’être une femme »

  1. Bonjour, Merci pour ce bel article! ma pauvre dame, que de souffrance pour être enfin libérée 🙁 Je ne raconterai pas ma vie mais je sais trop bien ce qu’est cette maladie) J’espère qu’aujourd’hui tout va bien pour vous et pour longtemps encore (toujours) Vous avez encore de bien belles années de mère et d’épouse devant vous 😉 Pour répondre à votre « note d’humour » oui ça c’est le pied 😉

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